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Pour ceux et celles qui aiment les chiffres J, j’ai fait un résumé des précipitations des trois dernières années en Corse. Les trois dernières années, la partie orientale de la Corse a connu une sécheresse exceptionnelle. Je vais expliquer le tableau à partir de deux sujets : la durée de la sécheresse estivale, et la quantité absolue de précipitations.
J’ai utilisé les données de la station Bastia-Poretta (en plaine).
La moyenne de précipitation annuelle de cette station est 799 mm (pour la période 1981-2010) est cela correspond à une moyenne assez élevée. Par ex., la ville de Paris a une moyenne de 637 (station Montsouris).
Même les Pays-Bas, réputé pour sa pluie, connaissent une pluviométrie annuelle de +-800 mm.
C’est donc cette précipitation élevée qui permet la verdure exceptionnelle de la corse orientale (et notamment de la Costa Verde, le Casinca et la Castagniccia).
Durée de la sècheresse estivale
Notre climat est caractérisé par une sécheresse estivale qui prend deux à trois mois (avec une précipitation négligeable). Une autre caractéristique est la variabilité interannuelle du climat : les années pluvieuses sont alternées par les années sèches donc c’est tout à fait normal d’avoir parfois une année sèche.
Le tableau montre que pour les années 2021-2023 on observe une période sèche (défini par moi comme une précipitation mensuelle inferieur a 50% de la normale) qui dure 4-5 mois au lieu de 2-3 mois classiques. L’année 2022 était surtout exceptionnelle : de juin à fin octobre pas de précipitations signifiantes du tout !
Le stress hydraulique devient très important pour les cultures et les plantes naturelles : il fait plus chaud en été qu’avant à cause du réchauffement climatique & et la sècheresse estivale dure beaucoup plus longtemps. L’évapotranspiration est alors beaucoup plus élevée et cette combinaison de facteurs est responsable pour le changement drastique de la végétation en montagne que les scientifiques prévoient dans les décennies à venir pour la Corse.
Quantité absolue de précipitations
Sachant que la précipitation annuelle moyenne a Bastia-Poretta est de 799 mm, il est remarquable de voir la chiffre 320 mm pour 2022… C’est 40% de la normale et c’est la valeur la plus basse jamais enregistrée par cette station météo dans ses 50 ans d’enregistrements. Il pareille logique que beaucoup de villages ont fait face à des coupures de leur eau potable parce que le débit des sources en été était très bas.
Ce qui est remarquable aussi c’est que les trois années consécutives de 2021, 2022, 2023 (pour l’instant) sont très sèches. C’est rare (voir non-existant) de trouver trois ans consécutifs aussi secs que ces trois ans dans l’histoire.
Effets sur la végétation
La végétation peut probablement faire face à une année de sècheresse extrême, à condition que cette année sera suivi d’une année pluvieuse pour compenser. Trois années de sècheresse extrême dépasse les limites de plusieurs espèces qu’on retrouve dans la végétation corse, notamment en montagne où on retrouve des espèces d’arbres qui ne sont habituées au vrai climat méditerranéen (comme le châtaignier, le pommier par ex). La question est : combien de stress tolèrent ces espèces sensibles avant qu’elles commencent à mourir ? De ce que je vois je pense que les pommiers et châtaigniers sur des endroits difficiles notamment (orientation sud, sol pauvre) sont en train de mourir sur grande échelle. Là où le sol est plus riche ça va mieux.
Les scientifiques prévoient un changement radical de la végétation montagneuse en Corse dans les décennies à venir et je pense que dans la vallée de Campile on peut déjà voir ce changement ; une grande partie des espèces a feuilles caducs (châtaigniers notamment) sont en train de disparaitre (et pas que à cause des maladies) et les chênes verts prennent leur place. Selon mes estimations 20-30% des arbres (notamment les châtaigniers) dans notre vallée sont à train de mourir ou sont déjà morts. Ce qui complique les choses, ce sont les maladies et le cynips qui ont faibli les châtaigniers. Les sècheresses sont un autre stress mais pas le seul donc ce n’est pas évident de séparer les effets des sècheresses des effets des maladies et le cynips. On verra comment ça se développe les prochaines années.
La température moyenne annuelle les dernières décennies à Bastia Poretta est de 16.0 C. La température en 2022 est de 17.4 C. Selon les prévisions climatologiques, à la fin du siècle la température moyenne peut atteindre les 19 voir 20 dégrées en fonction des émissions de carburants fossiles. Comment cette augmentation va impacter la disponibilité d’eau et la végétation en Corse ?
On pourrait regarder à des régions plus au sud qui ont déjà une température de 19 degrés pour voir quelle végétation ils ont. Le problème c’est que la Corse va probablement pas avoir une baisse importante des précipitations annuelles (selon la majorité d’études), malgré le fait que ces précipitations vont être plus extrêmes et dans une période plus courte. Quand on regarde par exemple à une ville comme Athènes, qui a une température moyenne de 18.2 pour la période 1991-2020 (et encore plus élevée les dernières années), on note que la végétation autours d’Athènes est très différent que la végétation qu’on trouve sur une grande partie de la corse orientale (beaucoup plus bas, moins dense, moins d’arbres). Le problème avec cette comparaison est que Athènes a beaucoup moins de précipitations annuelles que la Corse. Ensuite il y a aussi des différences de fertilité de sol si on compare l’une région avec une autre.
Mais ce qui est sûr c’est qu’on ne va pas avoir plus d’arbres dans l’avenir. Généralement, plus qu’on va au sud, plus la végétation subit les effets des sècheresses et chaleur. La Corse a la chance d’être une montagne dans la mer parce que la chaine montagneuse est responsable pour des précipitations copieuses, meme a l’avenir (un problème c’est que comme l’atmosphère chaude contient plus d’eau, les précipitations deviennent plus extrêmes aussi).
Beaucoup de spéculation alors, mais une chose est certaine, si le changement climatique cause de plus en plus d’années sèches comme les 3 dernières années, la Corse va subir des changements drastiques de sa disponibilité d’eau et de sa végétation.
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